Avec la suggestion de Andrius Maciunas, j’ai créé un objectif soft focus (85 mm, f2.4) à partir de l’objectif projecteur Pentacon av 2.8 80mm et j’ai rajouté une lentille achromat 36 mm x 85 mm fd sur l’appareil Sony a7.

Les clichés qui en ressortent ont un aspect très doux sur l’ensemble de l’image (comparable à s’il y avait un bas de nylon devant l’objectif). Les contours ont un effet tourbillonnant (« swirly bokeh ») et des minces abberations; or, moins prononcé que le Petzval. Faire la mise au point est facile si le photographe a une certaine expérience avec les objectifs monocles. Ce sont des clichés pour exposer les différents effets de l’objectif.

Comment procédez-vous pour concevoir vos objectifs DIY?
Pour fabriquer mes objectifs, j’ai appris à résoudre plusieurs problématiques élémentaires. J’achète des tubes cylindriques et des hélicoïdes pour rabouter mes objectifs à mes appareils. J’étudie les « meniscus » et j’extrais des verres optiques qui ont des qualités particulières dans des objectifs déjà existants. Ensuite, je confectionne des diaphragmes en carton que j’installe devant l’objectif. Comme on peut le constater, mes objets expérimentaux sont rudimentaires. Je me permets d’utiliser du « DOC tape », de la colle « contact », des limes, des scies et des bagues en bois pour réduire les coûts de production. Ce qui me motive dans ma recherche, c’est de développer un rendu synthétique dont le visuel a des qualités de « bokeh » atypiques, des effets de solarisation et un flou propre au Polaroid. 

Pourquoi recherchez-vous des aberrations chromatiques?
Les images d’aujourd’hui sont souvent froides en raison de l’optique photographique de haute précision qui corrige tous les « défauts ». Les objectifs contemporains ont pris la voie de la rigueur quasi scientifique (l’excès de netteté et de contraste). En ce qui me concerne, j’ai choisi d’explorer les lentilles monoculaires (le monocle) ou anachromatiques parce que les imperfections rendent la réalité plus intéressante. Ma recherche consiste à construire une photographie subjective[1] (expérimentale) qui met à l’avant l’imagination de l’artiste. J’insiste sur la simplicité et l’essentiel; parfois, ce processus mène logiquement vers l’abstraction. Pour arriver à des résultats intéressants, je construis des objectifs sphériques et chromatiques faiblement corrigés afin de profiter des déformations, des aberrations, des structures graphiques et de l’astigmatisme. C’est un charme de voir la lumière et les formes (ré)agir à des optiques qui rappelle des « photographies brumeuses » [2] (adoucissement des contours, images moins définies et luminosité souple).

Extrait d’une entrevue menée par Anna Kerekes: Une calligraphie photographique qui marque un sens radical de la liberté.

[1] Concept développé par Otto Steinert dans les années 1950. Bauret, G. (1992). Approches de la photographie (p. 97). Paris : Nathan. 
[2] Moholy-Nagy, L. (1993). Net ou flou? (p. 182-186). Dans peinture, photographie, film. Arles (France) : Jacqueline Chambon.

 

Modèles: Julie Phoeung, Océane Girard, Anne Joëlle Payeur, Lucie Massinon, Anna Kerekes.